Mise en place en 2002, la Cour pénale internationale, qui a son siège à La Haye, s’est quasiment exclusivement consacrée, jusqu’ici, à des affaires impliquant crimes de guerre et génocides. Le bureau de la Procureure générale de la Cour, la Gambienne Fatou Bensouda, vient d’annoncer, dans un document d’orientation officiel, qu’il accorderait désormais une attention prioritaire aux crimes impliquant « la destruction de l’environnement, l’exploitation illégale de ressources naturelles et la dépossession illégale de terres », autrement dit les crimes environnementaux et l’accaparement des terres.
Ce faisant, la Cour pénale internationale n’étend pas son mandat à proprement parler, mais elle déclare explicitement que les atteintes à l’environnement et aux droits des peuples peuvent constituer des crimes contre l’humanité, et que le droit international tel qu’il existe actuellement fournit déjà les moyens de les poursuivre. À ce jour, aucun acteur économique n’a jamais été inquiété par la Cour pénale internationale.
Les défenseurs des droits humains et de l’environnement se sont unanimement réjouis de l’annonce de la Cour. « L’accaparement des terres n’est pas moins dommageable que la guerre en termes d’impacts négatifs sur les populations civiles, souligne ainsi Alice Harrison de l’ONG Global Witness. L’annonce [de la Cour pénale internationale] devrait constituer un signal aux dirigeants d’entreprise et aux investisseurs qu’ils ne peuvent plus considérer l’environnement comme un terrain de chasse. » La nouvelle politique de la Cour pénale internationale pourrait également ouvrir la voie à des poursuites en matière de responsabilité climatique.
Le Tribunal de La Haye est parfois critiqué pour sa propension à poursuivre en priorité les États et les dirigeants politiques mal vus des pays occidentaux, en épargnant ces derniers et leurs alliés. Il reste donc à voir si l’élargissement de son mandat ouvrira réellement la porte à des procédures contre des grandes multinationales et leurs responsables, et non seulement contre des acteurs politiques locaux. Il pourrait néanmoins avoir une portée dissuasive.
Il y a deux ans, la procureure de la Cour pénale internationale avait été saisie par les victimes équatoriennes de Chevron, en vue de poursuites contre John Watson, PDG de la firme pétrolière américaine (relire notre entretien avec Eduardo Toledo, avocat des victimes, ainsi que Injustice sans frontières ? Chevron contre l’Équateur). À l’époque, la procureure n’avait pas donné suite. Un autre procédure a été initiée par les représentants de populations cambodgiennes privées de leurs terres ancestrales au profit de multinationales sucrières.
Olivier Petitjean
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Photo : Harley Kingston CC