EDF est en train de fermer la plupart de ses centrales à charbon françaises. La raison : ces installations construites il y a plusieurs décennies ne respectent plus les normes européennes en matière d’émissions atmosphériques. Et les moderniser coûterait trop cher. Car une centrale à charbon ne rejette pas seulement du CO2. D’autres substances polluantes se retrouvent en quantité dans l’atmosphère après la combustion du charbon : les oxyde d’azote, qui ont des effets négatifs sur la santé et contribuent à l’effet de serre et au phénomène des pluies acides, le dioxyde de soufre et les suies, qui portent atteinte au système respiratoire. Une directive européenne de 2010 (directive sur les émissions industrielles, IED) oblige les centrales à charbon du continent à réduire leur émissions des ces polluants atmosphériques avant le 1er janvier 2016. Ce qui est possible en installant des filtres et des unités de désulfuration et de dénitrification des fumées. C’est précisément ce que fait EDF sur les centrales françaises que le groupe compte garder en fonction après 2016. Celles qui ne sont pas modernisées devront cesser leurs activités.
Mais voilà que la Pologne, grand défenseur du charbon et qui tire encore 90 % de son électricité de ce combustible, a obtenu de Bruxelles le droit d’exploiter ses centrales jusqu’en 2020 sans en réduire les émissions. Les exploitants des centrales à charbon du pays pourront donc tranquillement continuer à émettre autant de suies, d’oxydes d’azote et de dioxyde de soufre qu’avant, et ce pendant encore cinq ans. Parmi les principaux bénéficiaires de cette mesure : EDF. Le groupe français exploite en Pologne la grande centrale à charbon de Rybnik (d’une capacité de 1 775 MW, autant que Fessenheim) ainsi que plusieurs stations de cogénération électricité et chaleur qui fonctionnent en grande partie au charbon (Voir notre enquête). EDF va pouvoir déroger aux obligations européennes en matière de réduction des polluants pour toutes ses installations (comme l’indique la Commission européenne dans sa décision du 17 février 2014) : la centrale de Rybnik et les unités de cogénération de Torun, Gdansk, Gdynia, et Cracovie, ainsi que Wroclaw et Czechnica pour sa filiale Kogeneracja.
Soutenez l’Observatoire
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.
Faites un don« Nous avons aujourd’hui une situation où les centrales à charbon d’EDF en France vont être équipées de filtres de dépollution, d’unités de désulfuration et de dénitrification, mais pas celles de Pologne, déplore Kuba Gogolewski, coordinateur pour la Pologne à l’ONG CEE Bankwatch Network. Les citoyens polonais vont subventionner EDF avec leur santé, alors que les profits d’EDF sont largement assez importants pour pouvoir financer la modernisation de toutes les centrales électriques et stations de cogénération du groupe en Pologne. Le cas de l’unité de cogénération de Cracovie est encore plus scandaleux. C’est l’une des villes les plus polluées d’Europe. Ce qui a conduit les autorités locales à interdire les chauffage au charbon et au bois pour les particuliers. » On estime que la pollution atmosphérique causée par le charbon est responsable de plus de 22000 décès prématurés en Europe chaque année.
Au Royaume Uni aussi, EDF exploite deux centrales électriques à charbon, West Burton et Cottam, classées [1] au 14e et 18e au rang des centrales à charbon les plus polluantes d’Europe. Ce qui n’est pas étonnant, puisqu’elles sont en fonction depuis 1969 ! Compte tenu des nouvelles normes européennes, elles devraient arrêter leur activité en 2016. Pourtant, ces deux centrales vont elles aussi bénéficier d’un autre type de dérogation aux obligations de réduction de la pollution. EDF va pouvoir exploiter ces centrales jusqu’en 2023 ! Sept ans d’exploitation en plus qui ne vont pas aider à respecter les objectifs du dernier paquet énergie climat, tout juste adopté par les gouvernements européens.
Rachel Knaebel
—
Photo : Matt CC