17.05.2023 • Actus, revue de presse et liens

Superprofits : la saison 2 - Lettre du 17 mai 2023

Publié le 17 mai 2023

Bienvenue dans la lettre d’information de l’Observatoire des multinationales.

Au menu cette semaine, saison des assemblées générales oblige : le CAC40 et ses « superprofiteurs ».

N’hésitez pas à faire circuler cette lettre, à nous envoyer des réactions, commentaires et informations.

Pour rappel, l’Observatoire des multinationales dépend du soutien financier de ses lecteurs et lectrices. Un grand merci à tous ceux et celles qui peuvent nous faire un don !

Bonne lecture

Ce qui est bon pour le CAC40 n’est pas forcément bon pour la France (et encore moins pour la planète)

Les derniers chiffres du CAC40 confirment une tendance de long terme à l’accaparement des richesses par les actionnaires et les dirigeants au détriment de l’emploi en France. Cette tendance prend une forme exacerbée au sein d’une poignée de groupes comme TotalEnergies, LVMH ou BNP Paribas, qui concentrent l’essentiel des profits, dividendes et rachats d’actions du CAC40. C’est ce que montre notre note d’analyse publiée ce lundi 15 mai.

Ces « superprofits » ne sont pas forcément une bonne nouvelle ni pour l’économie, ni pour la société française en général. Ils sont alimentés en grande partie par un accroissement des marges, facteur de renchérissement du coût de la vie. Malgré leur santé financière florissante, certains de ces champions des bénéfices et des dividendes touchent en outre de nombreuses aides publiques, dont certaines censées les inciter à se « décarboner ».

Beaucoup de ces groupes continuent par ailleurs à supprimer des emplois en France. Globalement, le CAC40 affiche 16 000 emplois en moins dans l’Hexagone depuis 2019, alors que ses profits annuels ont augmenté de 74% et ses versements aux actionnaires de 61% sur la même période.

Lire la note.

C’est un sujet sur lequel l’Observatoire des multinationales revient plus en détail dans un livre publié avec l’association Attac, Superprofiteurs. Le petit livre noir du CAC40, qui sortira en librairie le 24 mai prochain. Tous les détails ici. Nous organisons une soirée de lancement à Paris, le 24 mai à 19h au Lieu-dit (9 rue Sorbier, XXe).

« Choose France », loi sur l’industrie verte : la fuite en avant

Après des visites très médiatisées dans les Hauts-de-France la semaine dernière pour faire la promotion de la voiture électrique, le chef de l’État recevait lundi 15 à Versailles des PDG de multinationales dans le cadre du sommet « Choose France » pour annoncer en fanfare des promesses d’investissements dans l’Hexagone. Le lendemain, le projet de loi sur l’industrie verte était présenté en conseil des ministres, qui inclut de nouvelles aides aux grands industriels français pour se « décarboner ».

Pourtant, lesdits industriels non seulement ne semblent pas vraiment dans le besoin, mais bénéficient en réalité depuis des années d’une accumulation d’aides à la décarbonation (quotas gratuits, plan de relance, France 2030 – lire notre article), octroyées sans conditions ni garanties sur les résultats. Dans le même temps, ils continuent de supprimer massivement des emplois, pertes qui sont loin d’être compensées par les hypothétiques créations de poste mises en avant pour justifier les nouvelles aides publiques. ArcelorMittal, dont le PDG a été à nouveau reçu en fanfare à Versailles, en fournit le parfait exemple.

C’est le même modèle rouillé appliqué avec le succès que l’on sait au CAC40 qui est proposé aujourd’hui aux multinationales pour les encourager à s’implanter en France – des aides publiques conséquentes (entre 1 et 1,2 milliard d’euros d’aides directes pour la future usine de batteries de Prologium à Dunkerque, la plus significative des annonces gouvernementales de ces derniers jours, par exemple), des baisses d’impôts, des facilités réglementaires (voire aujourd’hui une « pause » des règles environnementales), et aucune condition permettant de garantir que les promesses d’emploi et d’investissement (au demeurant souvent très vagues) seront tenues et que les investisseurs en question n’iront pas voir ailleurs à la première opportunité.

Comment enquêter sur les multinationales et le lobbying ? Deux dates de formation à Paris

L’Observatoire des multinationales est très heureux de recommencer à proposer des formations, avec deux dates à Paris.

La première aura lieu le 1er juin - une formation introductive pour présenter les principales sources et méthodes. Infos et inscription (obligatoire) : http://lstu.fr/formation-odm

La seconde aura lieu le 20 juin, toujours à Paris, et sera consacrée plus spécifiquement aux méthodes et sources d’enquête sur le lobbying (au sens large) en France et en Europe. Info et inscription (obligatoire) : http://lstu.fr/formation-lobbying

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En bref

TotalEnergies veut faire taire ses critiques, la suite. Dans notre lettre précédente, nous vous parlions du procès bâillon intenté par le groupe pétrolier TotalEnergies à Greenpeace, et de sa volonté de censurer un rapport de l’ONG relatif au calcul de ses émissions de gaz à effet de serre. Cette semaine, le média Marsactu déterre une autre affaire qui confirme que les dirigeants du groupe pétrolier sont en train de perdre leurs nerfs face aux critiques . Ils se seraient plaints à Renaud Muselier de ce que la région Sud dont il est le président a apporté un soutien financier à un documentaire critique sur leur entreprise, Le système Total. Anatomie d’une multinationale, diffusé fin 2022 sur Arte et que nous vous conseillons vivement. Résultat : Renaud Muselier a gelé toutes les subventions de la région à la réalisation de documentaires.

Des « fleurons industriels » français continuent-ils à équiper l’armée de Poutine ? Selon un rapport de l’ONG International Partnership for Human Rights (IPHR), des composants fabriqués en France par des entreprises françaises ont été retrouvés sur des armes russes utilisées en Ukraine. Il s’agit de micro-contrôleurs produits par ST Microelectronics, l’un des piliers du CAC40 dont les Etats français et italien sont les premiers actionnaires (mais basé en Suisse), qui équipent des drones et des avions de chasse russes. ST Micro déclare avoir cessé toute activité en Russie et avoir pris des mesures pour respecter les sanctions occidentales, mais les livraisons semblent avoir continué au moins jusque août dernier. Lire l’article du Dauphiné Libéré et les commentaires de l’Observatoire des armements. Un autre fleuron français, l’entreprise Radiall, serait également concernée, selon le média The Insider. Elle fabrique et commercialise des connecteurs et composants électroniques à destination, notamment de l’industrie de la défense. Il aurait fourni une entreprise russe, ISS, qui n’est pas sur la liste des sanctions européennes mais qui figure dans la liste américaine, et qui joue un rôle clé dans le système de positionnement par satellite GLONASS utilisé par l’armée russe. Le propriétaire et patron de Radiall n’est autre que... Pierre Gattaz, l’ancien numéro un du Medef.

La guerre en Ukraine risque d’accélérer l’accaparement des terres agricoles. Les paysans ukrainiens sont parmi les premières victimes de la guerre déclenchée par l’invasion russe : ils sont nombreux sur le front pour défendre leur pays, et une partie de leurs terres sont dévastées par le conflit ou criblées de mines. Seront-ils aussi les premières victimes de la reconstruction ? L’Oakland Institute, ONG spécialiste de l’accaparement des terres, publie la version française d’un rapport important sur la situation du foncier en Ukraine. Cette publication apporte des éléments factuels et précis sur un sujet qui est l’objet de beaucoup de fausses informations encouragées par la propagande pro-russe, mais qui n’en est pas moins un vrai enjeu. Les très prisées terres arables ukrainiennes sont déjà en partie entre les mains d’oligarques locaux et d’investisseurs internationaux. Il en va de même de l’autre côté de la ligne de front, où des entreprises russes ont fait main basse sur des terres dans les régions occupées. Depuis des années, les institutions financières internationales et les gouvernements occidentaux poussent l’Ukraine à libéraliser davantage son marché du foncier agricole et à s’ouvrir aux « investissements » internationaux. L’aide sans précédent apportée actuellement au pays pour l’aider à gagner la guerre, puis celle qui viendra après pour l’aider à se reconstruire, risque fort d’être utilisée comme un nouveau moyen de pression pour aller encore plus loin en ce sens, malgré l’opposition de la population ukrainienne.

Sacrifiés sur l ’autel de la voiture électrique. On sait ou on devrait savoir que le développement massif des automobiles électriques requiert d’extraire des quantités croissantes de certains minerais, avec des conséquences écologiques importantes. Il est beaucoup question, à ce sujet, de l’impact de l’extraction du cobalt en République démocratique du Congo ou encore du lithium. Le nickel est lui aussi un composant crucial des batteries destinées aux voitures électriques, et la France possède un des champions mondiaux de l’extraction de ce minerai, le groupe Eramet, historiquement construit autour de l’exploitation des gisements de Nouvelle-Calédonie. Eramet se trouve aujourd’hui une nouvelle fois sous le feu des critiques pour un projet d’extraction de nickel, dont il n’est plus que partenaire minoritaire, sur la petite île de Halmahera en Indonésie (nous en avions parlé dans cet article). Selon un rapport de l’ONG Survival International, ce projet minier, associé à une usine de raffinage construite avec le groupe chimique allemand BASF, menacerait l’existence même d’une tribu autochtone non contactée. Lire un résumé de l’affaire avec les réponses de BASF et Eramet sur le site du Centre de ressources sur les entreprises et les droits humains.

Talc mortel. Mediapart revient en détail, grâce aux documents dévoilés par la justice américaine, sur l’une des plus importantes affaires de santé publique de ces dernières années, impliquant le géant des produits d’hygiène Johnson & Johnson et son fournisseur français Imerys. Les deux entreprises sont mises en cause pour avoir commercialisé des produits (déodorant, poudre pour bébé) contenant du talc, malgré des risques confirmés par l’OMS de cancer des ovaires. Les documents mettent en lumière la « fabrique du doute » orchestrée par Johnson & Johnson et Imerys face à leurs victimes qui demandaient réparation. Les deux entreprises ont également organisé la faillite de leurs filiales concernées pour tenter d’échapper aux poursuites judiciaires.

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