Le salarié le plus productif du groupe Renault ne travaille pas au siège de Boulogne-Billancourt, mais à Malte. Ce collaborateur injustement méconnu réalise, à lui tout seul, 108 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. Mais ce n’est, en réalité, pas un génie des affaires. C’est seulement l’unique employé de RCI Insurance Limited, l’une des deux sociétés d’assurances maltaises du constructeur automobile. Des boîtes à fric, dont l’unique objectif est d’échapper à l’impôt et de priver la France de recettes fiscales, dont elle a pourtant grand besoin.
Les sommes en jeu sont considérables. Grâce aux documents Malta Files, analysés par Mediapart et ses partenaires de l’EIC, nous avons pu établir que Renault a économisé 62 millions d’euros d’impôts en quatre ans en localisant ses activités d’assurances à Malte. Pour son concurrent PSA Peugeot Citroën, ce sont 57 millions en cinq ans. Tandis que le groupe Auchan a réduit sa facture fiscale de 22 millions en trois ans. Soit un total de 141 millions d’euros d’impôts éludés, dont les services publics français ne verront jamais la couleur. Et la somme ne cesse de gonfler, année après année.
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Ces montages concernent les sociétés d’assurance internes mises en place par ces groupes (p. ex. l’assurance auto vendue par Renault).
Les Malta Files confirment deux constats très fréquents en matière de multinationales et d’optimisation fiscale. Premièrement, les paradis fiscaux les plus importants pour la plupart des firmes européennes ne sont pas des petites îles éloignées, mais les pays européens eux-mêmes : après la Suisse, le Luxembourg, l’Irlande, les Pays-Bas ou la Belgique, c’est au tour de Malte d’être épinglée.
Deuxièmement, même les entreprises dont l’État français est actionnaire ne se privent pas de recourir aux mêmes pratiques d’optimisation fiscale que les autres multinationales. Après EDF ou encore Aéroports de Paris (lire nos articles ici et là), c’est désormais au tour de PSA et Renault.
Ces révélations interviennent au moment où le Parlement européen examine une directive sur la transparence fiscale des multinationales, qui devrait intégrer des éléments de reporting « pays par pays » - autrement dit l’obligation, déjà en vigueur pour le secteur bancaire, de rendre publiques les informations financières relatives à toutes leurs filiales, qui permettrait d’identifier les éventuelles manipulations fiscales. Le projet risque néanmoins de ne pas aller aussi loin que le souhaiteraient les ONG (lire l’article d’Euractiv).
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Photo : John Haslam CC via flickr