04.02.2019 • Santé

À Fos-sur-Mer, les pollutions d’ArcelorMittal en accusation

L’usine sidérurgique d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer n’en finit pas de faire parler d’elle. Ces derniers mois, une série d’enquêtes environnementales et sanitaires ont confirmé les risques sérieux que cet établissement industriel parmi les polluants d’Europe fait courir aux travailleurs et aux riverains. Gaz toxiques, particules fines, métaux lourds... Malgré des infractions et des condamnations répétées, le groupe dirigé par Lakshmi Mittal ne donne pas l’impression de faire beaucoup d’efforts pour réduire ses rejets.

Publié le 4 février 2019 , par Olivier Petitjean

Mi décembre, l’association écologiste France Nature Environnement (FNE) a saisi le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence pour obliger ArcelorMittal à mettre fin aux dépassements répétés des seuils de pollution constatés sur son site de Fos-sur-Mer. Oxydes d’azote, dioxyde de soufre, poussières, benzène... Les services de l’État ont relevé pas moins de 36 infractions environnementales dans l’usine depuis 2013, date à laquelle ArcelorMittal avait déjà été condamné pour des abus similaires. Ces infractions ont donné lieu à 10 arrêtés préfectoraux dont 4 de mise en demeure, selon les informations confiées par FNE au Monde.

Le préfet des Bouches-du-Rhône a finalement infligé au groupe sidérurgique, dans les derniers jours de l’année 2018, une amende de... 15 000 euros, assortie d’une astreinte de 1500 euros par jour. L’association écologiste réclame quant à elle la somme de 36 000 euros, soit 1000 euros par infraction constatée. Pas de quoi affecter les décisions économiques d’ArcelorMittal, qui assure néanmoins être en train de réaliser les investissement nécessaires pour réduire les rejets. L’usine sidérurgique de Fos représente pas moins de 4000 emplois.

Exposition au benzène à plus de 32 fois la norme

Quelques semaines plus tard, c’est cette fois un rapport de l’inspection du travail, révélé par le site Marsactu puis par Mediapart et Le Monde qui met en lumière des carences criantes dans la protection des salariés de la cokerie. Les ouvriers chargés de l’enfournement du charbon, en particulier, sont exposés à un dérivé du benzène, un puissant cancérigène, à un niveau correspondant à plus de 32 fois la norme, selon des mesures effectuées en octobre 2018. Lors d’une précédente visite en juin 2018, ce niveau n’était « que » de 14 fois la norme, sans qu’ArcelorMittal ne prenne les mesures correctives nécessaires. Plusieurs dispositifs de détection et de ventilation de la cokerie seraient défaillants, et la direction n’obligerait même pas ses ouvriers à porter des équipements de protection respiratoire.

Le rapport de l’inspection du travail a donné lieu à une autre mise en demeure, obligeant ArcelorMittal à mettre fin à ces manquements sous deux mois, en brandissant la menace d’une fermeture administrative de l’usine. Les travaux seraient en cours, mais les syndicats craignent que ces mesures d’urgence ne pallient pas le manque chronique d’investissements sur le site. Dans ce cas également, les risques étaient connus depuis longtemps, documentés par les salariés eux-mêmes, le comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, et certains médecins.

Le groupe sidérurgique annonce régulièrement avoir investi « plus de 100 millions d’euros » ces dernières années dans son usine de Fos, sans plus de précisions. Les infractions à répétition suggèrent que la mise à niveau de cet équipement industriel n’est pas la priorité d’ArcelorMittal, qui s’est plutôt fait une spécialité de dénoncer les « contraintes » environnementales qui lui étaient imposées par comparaison à ses concurrents asiatiques. Les services de l’État constatent les dégâts, mais les sanctions restent dérisoires.

En attendant, associations d’habitants, écologistes et syndicats se sont associés pour déposer en novembre dernier une plainte contre X visant à dénoncer la pollution chronique qui sévit à Fos-sur-Mer et plus largement autour de l’étang de Berre, l’une des principales concentrations de sites industriels à risque en France. Un signe que l’opposition traditionnelle entre maintien de l’emploi industriel et lutte contre la pollution est en train de s’affaiblir ?

Olivier Petitjean

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Photo : milou CC via flickr

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